Regards de musées
La Méditerranée est aujourd’hui largement perçue comme un élément de patrimoine universel, qu’on voudrait être partagé par l’ensemble de ses habitants, voire au-delà. D’où et de quand vient cette idée ? Comment s’est-elle forgée et par qui a-t-elle été portée ? Comment a-t-elle été « inventée » progressivement ? Quelle est sa validité aujourd’hui ? Voilà les grandes questions que soulève la nouvelle exposition semi-permanente du Mucem, qui prend la suite de l’exposition « Connectivités » ouverte en novembre 2017.
L’exposition s’intéresse à la manière dont la Méditerranée a été construite comme un élément de patrimoine, patrimoine naturel, artistique et ethnologique, trois approches dont la construction est comparable dans le temps. Elle propose de montrer comment les musées ont mis en scène le sujet Méditerranée. Les musées de sciences naturelles se sont enrichis des produits que les grandes expéditions militaires de conquêtes puis scientifiques ont engrangés. Dans les musées des Beaux-Arts, dans le sillage du « Grand Tour », ce sont les civilisations du passé qui sont mises en valeur les premières, puis les images d’un Orient rêvé, qui construisent une Méditerranée fantasmée. Les musées d’ethnologie, qui apparaissent au moment où la colonisation du sud et de l’est de la Méditerranée par les États européens se met en place, s’intéressent pour leur part aux sociétés lointaines, que la distance soit géographique ou dans la perception des différences culturelles. La sincérité de l’intérêt scientifique et humain pour l’Autre y est parfois difficile à distinguer des intérêts et des entreprises des puissances coloniales. C’est à l’aune de cette approche généalogique et critique que le positionnement du Mucem sera défini par rapport aux institutions qui l’ont précédé et par rapport à la société contemporaine.
Les grandes problématiques contemporaines que rencontre la Méditerranée seront également évoquées. Les crises qui la secouent aujourd’hui ne peuvent pas être passées sous silence face à une image patrimoniale de la Méditerranée. Un espace de parole est donné à un collectif de jeunes gens engagés, le Collectif Ascagne, réuni autour du projet de cette nouvelle Galerie, posant leur regard sur un choix d’objets, en collaboration avec les équipes du Mucem et des experts extérieurs (universitaires, usagers de l’objet, artistes…). Ce regard renouvelé participera à l’évocation, à côté de ce qui a participé de la construction de la Méditerranée, de ce qui risque de la mettre à mal : ce qui a fait et ce qui défait la Méditerranée… Si la pensée patrimoniale nait du souci d’un risque de disparition, elle est souvent une réponse à une crise. Les crises que l’espace méditerranéen connait aujourd’hui ne font que raviver ce sentiment d’urgence à sauvegarder ce qui doit et peut l’être.
L’exposition présentera le Mucem et son identité dans une dynamique historique et disciplinaire, plaçant ses collections fondatrices dans les relations qu’elles entretiennent avec d’autres domaines, afin de montrer sa filiation mais aussi sa singularité dans le paysage muséal.
Environ 300 oeuvres (peintures, sculptures, objets d’art, arts graphiques, mobiliers, objets du quotidien, costumes...), issues principalement des collections du Mucem et de grandes collections françaises, seront présentées.Commissaire générale Mucem :
Emilie Girard, directrice scientifique et des collections
Commissaire générale adjointe Mucem :
Marie-Charlotte Calafat, conservatrice du patrimoine,
responsable du département des collections et des ressources documentaires
Commissaires Mucem :
Justine Bohbote, Raphaël Bories, Camille Faucourt, Enguerrand Lascols, Hélia Paukner, conservatrices et conservateurs